La table du temps jadis,
vous convie à La Belle Époque,
une période gourmande, de fastes et d’insouciance

La Belle Époque, et le ton est donné !

Voici un beau chrononyme rétrospectif qui désigne une période très singulière de l’histoire de France qui s’étire de l’année 1871 au début de ce que l’on nommera plus tard “ La Grande Guerre ” (la première guerre mondiale en 1914). Une époque empreinte de bouleversements et de mutations, où se succèdent beaucoup de progrès sociaux, mais aussi économiques, politiques, et bien entendu technologiques (phonographe, cinématographe, radio, téléphone, aviation, ampoule électrique…). En 1889, on assiste à l’inauguration de l’exposition universelle de Paris et la construction de la tour Eiffel pour l’exposition reste le témoignage le plus emblématique de cette période d’innovation.

La Belle Époque, un nom qui évoque à lui seul l’appétence pour les fastes, les gourmandises, l’élégance et les festivités. Autant d’énergies positives et une certaine allégresse de vivre qui honorent cette longue période de paix qui succède à la guerre franco-prussienne de 1870. La Belle Époque accueille également la naissance de la cuisine moderne mise au point par Auguste Escoffier, l’homme qui amène la France au sommet de la gastronomie mondiale. Il façonne, entre autres, notamment la célèbre pêche Melba et la non moins fameuse poire Belle Hélène…

Une époque bouillonnante, pleine de vie ! Une période qui célèbre l’Art nouveau caractérisé par des lignes ondulantes qui évoquent des tiges de plantes, des feuilles, des fleurs et des formes organiques. Ce nouveau courant artistique aspire à rompre avec la rigueur des styles architecturaux et décoratifs antérieurs. Ces motifs naturels se retrouvent non seulement dans l’architecture et les arts décoratifs, mais aussi dans la peinture, la joaillerie, le mobilier et l’art de la table, témoignant ainsi d’une approche globale de l’art.

Avec la démocratisation de l’électricité, les luminaires (lampes et abat-jours) se font iconiques et la décoration dans les pièces à vivre, comme sur les tables, est opulente. En ce début du XXe siècle, Paris s’impose plus que jamais comme la capitale du bien manger. La cuisine bourgeoise se propage avec brio partout, même aux menus des tables des dandys les plus aristocratiques. Plats mijotés, recettes complexes, sauces riches à base de crème ou de beurre liées à la farine… Autant d’approches culinaires qui signent une cuisine savante, mais pas très légère.

Un dîner à la Belle Époque, un menu abondant ordonné de façon stricte

Le repas, un protocole organisé avec des règles formelles

Les repas à la Belle Époque reflétaient l’importance de la convivialité et du plaisir gustatif, avec une attention méticuleuse portée à la présentation des plats, à la qualité des ingrédients et à l’harmonie des saveurs. Ces repas, souvent prolongés et agrémentés de conversations animées, étaient le reflet d’une époque où le luxe et l’art de vivre étaient célébrés avec faste. Environ 10 plats viennent composer le menu de la Belle Époque… Impressionnant pour nos estomacs contemporains ! Un menu en effet particulièrement abondant, qui suit de plus un protocole incontournable et des règles de compositions très rigoureuses.

Voici un aperçu de la structure typique d’un repas élaboré de cette époque, qui peut varier selon le degré de formalité et l’occasion, avec des exemples de plats proposés dans les menus d’Auguste Escoffier :

  1. Hors d’œuvre : Le repas commence par une sélection de hors d’œuvres légers, destinés à stimuler l’appétit. Ces amuse-bouche pouvaient inclure des œufs farcis, caviar frais, saumon fumé, barquettes d’écrevisses, huîtres, melon, salade de crevettes, mousse de sardines, jambon de Westphalie, artichauts à la Grecque…
  2. Potages : Le potage, fait son entrée, réchauffant l’âme et ouvrant l’appétit. Clair comme un consommé ou riche et onctueux, il prépare le palais aux délices suivants. Escoffier propose, entre autres, le consommé aux œufs pochés, velouté de petit pois frais, bisque d’écrevisses, velouté de volaille au curry, crème de cresson et d’oseille, poule au pot, purée de lentilles Chantilly…
  3. Œufs (servis seulement au déjeuner) : Le Guide Culinaire d’Auguste Escoffier compte un peu moins de 200 préparations d’œufs et plus de 50 recettes d’omelette ! Ses menus proposent fréquemment œufs brouillés aux pointes d’asperges ou aux tomates, œufs Grand-Duc, œufs mollets Lorette, œufs à la Reine, œufs pochés à la Florentine, omelettes aux truffes, aux rognons, aux artichauts et à la ciboulette…
  4. Poissons : Le plat de poisson suit souvent accompagné d’une sauce délicate et de légumes. Les sauces et garnitures sont choisies avec soin pour compléter le goût du poisson. Dans cette étape iodée, on peut retrouver sole Meunière, raie au beurre noir, barbue aux fines herbes, homard à l’Américaine, huîtres au gratin, soufflé d’écrevisses, rougets à la maître d’hôtel, brandade de morue, saumon grillé Béarnaise…
  5. Relevés : Après le poisson viennent les relevés, une préparation de viande accompagnée par des légumes : selle de veau poêlée avec carottes nouvelles, langue de bœuf braisée avec chicorée à la crème, selle de chevreuil sauce poivrade avec purée de Marrons, chapon à la purée de céleri, jambon aux épinards, selle d’agneau des Prés-salés avec purée de navets…
  6. Entrées : Préparations à base de viande, gibier ou abats, généralement présentées de manière créative et complexe. On retrouve dans les entrées, escalopes de foie gras persillées, filets de perdreau Rossini, poulet sauté aux cèpes et à la crème, ris de veau grillé avec pointes d’asperges, côtelette d’agneau aux petit pois, tête de veau à l’huile, tournedos aux tomates à la Portugaise, blanquette de veau…
  7. Buffet froid : Un service de mets froid qui comprend une vaste choix de terrines, viande en gelée, roastbeef, pâtés, mousses de volaille et légumes, foie gras…
  8. Rôtis (servis seulement au dîner) : consiste habituellement en un plat de volaille (canard, poularde, chapon…) ou de gibier (lièvre, chevreuil…). La viande, succulente, est rôtie à la perfection. Flanquée de légumes et nappée de sauces, elle est la pièce maitresse du repas.
  9. Salades : Une salade légère suit le rôti, souvent de laitue, de mâche ou d’endives, visant à faciliter la digestion avec des notes végétales.
  10. Légumes : C’est le moment végétal avec des légumes variés : asperges, artichauts à l’italienne, choux de Bruxelles, laitues farcies, choux-fleurs, haricots verts, pommes nouvelles, tomates au gratin…
  11. Entremets : Les desserts concluent le repas avec une variété d’entremets chauds et froids : la sélection chaude propose soufflés, omelettes sucrées, beignets de fruits ou de fleurs d’acacia, fruits flambés à la liqueur, omelette norvégienne, charlottes, crèmes, puddings ou encore crêpes comme les inoubliables Crêpes Suzette. Coté froid, on retrouve des mousses, des macédoines et des compotes de fruits, petits pots de crème froides, Mont-Blanc aux Marrons, crème au caramel, meringue Chantilly, riz aux fraises, gelée à l’orange, tartes aux fruits, bavarois, blanc-manger, pêche Melba, fraise Sarah Bernhardt, poire Belle-Hélène…
  12. Le repas se terminait par du café servi noir, accompagné de mignardises. Les digestifs, tels que le cognac ou l’armagnac, pouvaient également être proposés.

Champagne !… Et grands crus rouge ou blanc sont au menu

Côté boissons, c’est la valse des coupes à champagne, breuvage savoureux et très prisé durant la Belle Époque. Le restaurant Maxim’s qui est le point de ralliement incontournable du Paris de la Belle Époque, est consacré comme le sanctuaire du champagne. Cette boisson est le choix privilégié des élites, des gentlemen et des dames élégantes de l’époque.

Les vins ne sont pas laissés en reste et encore moins les grands cépages, blancs ou rouges. Les vins de Bordeaux sont déjà très estimés, notamment ceux issus de régions prestigieuses comme le Médoc (incluant des châteaux tels que Margaux, Lafite Rothschild, Latour, et Mouton Rothschild) et les Graves. Ces vins sont synonymes de luxe et de raffinement. La Bourgogne produit également des vins très recherchés, grâce à ses appellations renommées et ses domaines célèbres. Les vins de Côte d’Or, particulièrement ceux de la Romanée-Conti et de Montrachet, sont particulièrement prisés pour leur qualité exceptionnelle. Les vins de la Vallée du Rhône, spécialement ceux d’Hermitage, Châteauneuf-du-Pape et Côte-Rôtie, commençaient à être reconnus pour leur caractère robuste et épicé.

Les vins blancs d’Alsace, avec leur caractère fruité et floral, gagnent en popularité. Les Rieslings, Gewurztraminers et autres Pinot Gris sont appréciés pour leur fraîcheur et leur élégance. Les vins de la vallée de la Loire, avec leur diversité allant des secs aux moelleux, sont aussi en vogue. Des appellations comme Sancerre, Pouilly-Fumé pour les blancs et Chinon ou Bourgueil pour les rouges, sont hautement estimées.

L’accord des vins et des mets est une chose d’importance et ne doit pas non plus être négligé. Ainsi les règles sommelières entrent en scène avec des blancs préférés pour les poissons et plutôt des rouges tanniques pour accompagner les viandes.

L’eau n’est finalement invitée dans les repas gastronomiques qu’au moment où la verdure (salade) apparaît. Mais la consommation de vin reprend de plus belle dès l’arrivée des desserts (blanc moelleux ou encore l’indétrônable Champagne).

L’absinthe, aussi connue sous le nom de « Fée Verte » voit son apogée de 1880 à 1910. Initialement appréciée par l’élite bourgeoise, cette liqueur forte, distillée à 70°, a rapidement charmé le monde des arts. De l’écriture à la peinture impressionniste, elle a fasciné un cercle vaste et varié d’adeptes. Toutefois, frappée d’accusations d’induire la folie, l’absinthe fut finalement proscrite en 1915. Pendant la Belle Époque, la France entame une fervente campagne contre l’usage de l’alcool, ciblant notamment l’absinthe, tandis que, dans un contraste saisissant, le vin et, à plus forte raison, le champagne, sont consacrés symboles nationaux, représentatifs d’une griserie sophistiquée.

Escoffier, un roi de la gastronomie qui révolutionne la cuisine de la Belle Epoque

Chef cuisinier français, Auguste Escoffier (1846 – 1935) marque incontestablement de son empreinte indélébile la cuisine durant la Belle Époque. Il la modernise, conçoit de nombreux et fameux plats et desserts qui participent à l’expansion de l’aura à l’international de la cuisine française.

La collaboration entre Auguste Escoffier et César Ritz, le pionnier de l’hôtellerie de luxe, est une des alliances les plus emblématiques et influentes de l’histoire de la gastronomie et de l’hospitalité. Ensemble, ils redéfinissent l’expérience du luxe dans les hôtels et la restauration à la fin du XIXe et au début du XXe siècle, posant les fondations de l’hôtellerie moderne. Ils se rencontrent en 1884 à Monte-Carlo où César Ritz, directeur du Grand Hôtel, lui propose de prendre la direction des cuisines du Grand Hôtel de Monte-Carlo en hiver et celles du Grand National à Lucerne en été. Leur collaboration prend véritablement son envol lorsqu’ils décident de s’associer pour transformer l’hôtellerie et la restauration en une expérience sans précédent de raffinement et de service.

Leur première grande entreprise conjointe est l’ouverture de l’Hôtel Savoy à Londres en 1889. César Ritz en a pris la direction, et Escoffier est chargé des cuisines. Ensemble, ils introduisent des standards de service et de qualité culinaire inédits. Leur succès au Savoy est fulgurant : ils attirent l’élite de l’époque, de la royauté européenne aux célébrités et magnats de l’industrie. Ils innovent en introduisant des menus imprimés, des dîners à plusieurs plats servis à des tables individuelles (plutôt qu’au buffet), et une attention méticuleuse portée à la sélection des ingrédients. Après le Savoy, Escoffier prend en charge de la direction des cuisines du Ritz à Paris et du Carlton à Londres.

Escoffier est aussi homme de cœur, attentif à ce que la nourriture gaspillée dans ses restaurants soit distribuée aux Petites Sœurs des Pauvres. En reconnaissance de son engagement soutenu en faveur des initiatives sociales tout au long de sa carrière, de sa contribution significative à l’art culinaire et à l’excellence de la gastronomie française, ainsi que pour son humanisme remarquable, Escoffier est honoré en 1919 par la distinction la plus prestigieuse de France, celle de chevalier de la Légion d’Honneur.

Auguste Escoffier façonne — tel un artiste — plats et desserts devenus des incontournables de la gastronomie française. Citons notamment les désormais très populaires crêpes Suzette, mais aussi les cuisses de Nymphe à l’aurore, le Suprême de Volaille Jeannette, la Bombe Néro, sans oublier la Pêche Melba (en hommage à la chanteuse lyrique australienne Nellie Melba) et bien d’autres délices qui encore de nos jours réveillent nos papilles à leur simple évocation.

Escoffier maîtrise à la perfection cet art subtil que sont la préparation et la cuisson des aliments. Inventif, audacieux, innovant, il développe le concept de brigade de cuisine, et signe des ouvrages tels Le Guide Culinaire (1903), Le Livre des Menus (1912), Ma Cuisine (1934). L’Empereur d’Allemagne Guillaume II déclare d’ailleurs à son propos :  » Moi, je suis Empereur d’Allemagne, mais vous, vous êtes Empereur des Chefs « , belle reconnaissance, pour un talent qui a marqué l’histoire de cuisine française !

Livres et références sur la gastronomie sous l’Empire

  • Côté recettes :
    • Le Guide culinaire par Auguste Escoffier
    • Ma cuisine d’Auguste Escoffier
  • Pour en savoir plus sur l’art culinaire et les évènements marquants de La Belle Époque :
    • Souvenirs culinaires par Auguste Escoffier
    • Le Livre des Menus d’Auguste Escoffier
    • La Belle Époque telle que les Français l’ont vécue de L’Illustration sous la direction de Jean-Louis Festjens

Les Recettes anciennes de La Belle Époque

Quel merveilleux voyage dans le temps que celui qui nous ramène à cette période festoyante de l’histoire de France, où la gastronomie abondante de la Belle Époque pointe toute cette passion pour les fastes, l’élégance et la modernité.

Je suis heureuse de vous proposer dans mon blog des recettes anciennes de la Belle Époque à préparer pour le plus grand plaisir de vos convives, servies à une table à laquelle l’art culinaire moderne prend toute sa place… Bon voyage et bon appétit !