Douceurs de Pâques
Rituels anciens et plaisirs d’enfance
Douceurs de Pâques
Rituels anciens et plaisirs d’enfance

Un matin, un mystère
Le jour se lève sur un dimanche d’avril.
Le jardin s’anime doucement. Dans les herbes encore fraîches, quelques œufs brillent sous la rosée. Des cloches de sucre, un lièvre en chocolat, une table fleurie… Chaque détail évoque un rituel. Mais que racontent-ils vraiment, ces symboles qui peuplent nos Pâques ? L’histoire, lorsqu’on l’écoute, se fait aussi délicieuse qu’un chocolat noir fondant sous le palais.


L’œuf, premier messager du renouveau
Bien avant d’apparaître sur les tables chrétiennes, l’œuf annonçait déjà la vie.
Dans l’Égypte ancienne, chez les Perses ou les Romains, on s’offrait des œufs peints pour saluer le retour du printemps. Les druides gaulois les teignaient en rouge, en l’honneur du soleil.
Symboles de fécondité, de création, de recommencement, ils accompagnaient les rites du réveil du monde.
Dans les pays orthodoxes, l’œuf devient art sacré. Peint dès le Jeudi saint, souvent en rouge, il s’échange au matin de Pâques avec ces mots : « Christ est ressuscité », auxquels on répond : « En vérité, il est ressuscité ». Un geste, une salutation, un secret millénaire transmis à voix basse.

Une tradition née d’un interdit
À partir du IVᵉ siècle, l’Église interdit la consommation d’œufs pendant le Carême.
Mais les poules, indifférentes à la liturgie, continuent de pondre… On garde alors ces œufs précieusement jusqu’à Pâques, où ils deviennent offrandes.
Cette coutume se développe dans les cours royales, puis dans les foyers bourgeois. En Alsace, on la documente dès le XVe siècle.



L’œuf royal, ornement de Pâques
Sous Louis XIV, la tradition prend un éclat somptueux. Le roi demande que l’on lui apporte, pendant la Semaine sainte, les plus gros œufs du royaume.
Il les fait décorer, dorer à la feuille d’or, et les distribue lui-même à ses courtisans… et à sa valetaille.
Plus tard, sous Louis XV, sa fille reçoit des œufs peints par Watteau et Lancret. L’œuf devient objet d’art, geste d’apparat, offrande de prestige.

Quand le chocolat se glisse dans les coquilles
Jusqu’au XVIIIe siècle, on colore les œufs avec des teintures naturelles : oignon, betterave, ortie, chicorée. Puis, la révolution du cacao survient. À la fin du XVIIIe siècle, l’œuf, vidé de son contenu, devient réceptacle d’un chocolat encore rare et précieux.
En 1873, la chocolaterie britannique Fry & Sons donne naissance au tout premier œuf moulé en chocolat creux. L’œuf devient alors friandise.
L’œuf se pare de chocolat, la fête prend un goût nouveau — un goût d’enfance.


Le silence des cloches, le murmure des légendes
Depuis le VIIᵉ siècle, les cloches se taisent le Jeudi saint, en signe de deuil.
Mais une histoire adoucit ce silence : on raconte aux enfants que les cloches s’envolent vers Rome, y reçoivent la bénédiction du pape… et reviennent, dans la nuit pascale, semant des œufs, des cocottes et des sucreries dans les jardins endormis.

Les animaux de Pâques
Dans certains pays, ce n’est pas une cloche, mais un animal discret qui apporte les œufs : un lapin blanc en Allemagne, un lièvre en Alsace, une cigogne en Thuringe, un renard en Westphalie, un coucou en Suisse.
La chasse aux œufs, telle qu’on la connaît, émerge peu à peu au XIXᵉ siècle, avec le développement des confiseries.


Pâques, une fête de transmission
De l’Italie aux plaines polonaises, les œufs bénis sont au cœur des rites pascals dans de nombreuses régions d’Europe. En Romagne, région du nord de l’Italie, on les colore avec des pigments naturels puis on les dépose dans des paniers d’osier. La veille de Pâques, ils sont portés à l’église pour y recevoir la bénédiction. Le dimanche matin, chaque famille ouvre le repas sur un œuf béni, partagé comme un souhait de renouveau. En France, cette tradition remonte au Moyen Âge. À Paris, certaines paroisses perpétuent encore ce geste.
Et en Pologne, lors du Święconka, les paniers contiennent œufs décorés, pain, agneau en sucre… autant de symboles bénis, puis partagés à table en signe de paix et de renouveau.
À ma table, tradition et souvenirs
Aujourd’hui encore, sur ma table de Pâques, il y a toujours des œufs en entrée, un gigot d’agneau accompagné de pommes de terre et d’asperges, du fromage et, dulcis in fundo, l’incontournable œuf en chocolat noir. Et puis, une « colomba »… mais ceci est une histoire pour l’année prochaine, peut-être…
Petit plaisirs personnels et souvenirs d’enfance.
Car pour ces symboles-là, ces douceurs printanières, il n’y a vraiment pas d’âge.


