La Gastronomie à la Renaissance
100 recettes de France et d’Italie

Paru en 1997 aux éditions Stock, La Gastronomie à la Renaissance. 100 recettes de France et d’Italie est signé par Françoise Sabban et Silvano Serventi, deux historiens spécialistes des usages alimentaires et des pratiques culinaires. Ce volume constitue le deuxième volet d’une trilogie consacrée à l’histoire culinaire de l’Europe occidentale, après le Moyen Âge et avant le Grand Siècle.
À la fois érudit et savoureux, l’ouvrage entraîne le lecteur dans un véritable voyage gourmand à la découverte de la table Renaissance, entre héritage médiéval et innovations humanistes.

Au-delà des légendes
L’ouvrage nous rappelle combien la littérature gastronomique a longtemps attribué aux rois et reines le pouvoir de façonner les goûts. On évoque François Ier et son goût des confitures, Catherine de Médicis et la légende de ses cuisiniers florentins, ou encore Taillevent, maître queux des rois Charles V et Charles VI.
Mais Sabban et Serventi montrent que cette lecture biographique simplifie trop une évolution qui s’inscrit dans une tradition déjà ancienne de haute cuisine. Leur choix est différent : donner la parole aux cuisiniers de la Renaissance eux-mêmes, dont certains croisent Montaigne lors de son voyage en Italie, ou encore Lancelot de Casteau au service des princes-évêques de Liège. Le lecteur est ainsi convié à découvrir un « nouvel air du temps », non plus par des anecdotes isolées, mais par un ensemble de pratiques et de textes culinaires renouvelés.
Comme pour La Gastronomie au Moyen Âge, l’ouvrage conjugue histoire et cuisine : il expose les principes de l’art culinaire de la Renaissance et rassemble une centaine de recettes, données dans leur version originale puis accompagnées d’une interprétation fidèle, afin de rendre ce patrimoine vivant et accessible.

Dans les cuisines du XVIᵉ
Après avoir évoqué la mémoire du goût et la place centrale de la France et de l’Italie dans l’art de bien-vivre, l’ouvrage entraîne le lecteur au cœur des cuisines du XVIᵉ siècle. On y découvre comment la cuisine s’écrit et se transmet, à travers des recueils et des textes culinaires, mais aussi pourquoi l’Italie occupe alors une position privilégiée à la Renaissance grâce à l’essor d’une véritable littérature gourmande.
Le récit met en évidence l’héritage médiéval et, en parallèle, les traits originaux d’une époque qui invente de nouvelles manières de préparer et de présenter les mets. Les auteurs font apparaître toute une galerie de figures et de cuisiniers, qui témoignent de la vitalité de ce moment charnière. Peu à peu, la table prend la dimension d’une scène : le repas se fait spectacle, le vin devient langage, les menus et les banquets se déploient selon des règles précises.
Le lecteur comprend que la gastronomie de la Renaissance ne se résume pas à des saveurs, mais qu’elle englobe aussi les pratiques sociales, les codes et le savoir-vivre qui définissent déjà un art de la table.

De la Renaissance à nos tables
L’un des attraits majeurs du livre est d’établir un lien entre les pratiques du passé et notre présent. Sabban et Serventi ne se contentent pas de restituer des textes anciens : ils montrent comment les recettes peuvent être comprises et, si on le souhaite, adaptées à nos usages contemporains. Le lecteur est guidé par des indications précises : critères de choix, organisation, conseils pratiques.
Loin d’être une compilation figée, le livre propose aussi des menus, une réflexion sur le service, et même des suggestions pour concevoir un dîner « à la mode Renaissance ». Ces pages servent donc de passerelle : elles donnent les clés pour aborder les recettes tout en montrant comment l’élégance et l’esprit de l’époque peuvent encore inspirer nos tables d’aujourd’hui.
Cette partie, à mi-chemin entre érudition et mise en pratique, offre au lecteur l’occasion de devenir acteur et non simple spectateur de son voyage culinaire.

Le répertoire gourmand
Le livre rassemble un corpus impressionnant de 106 recettes. L’éventail est vaste et reflète la richesse d’un repas complet. On compte ainsi 7 recettes d’entrées de table, comme des brochettes de foies de volaille ou des oranges rôties. Suivent 9 recettes de pâtes et potages, dont les agnolotti en potage ou les raviolis nus. Les viandes et volailles dominent largement avec 17 préparations : ragoût de mouton à l’allemande, salmis de lapin à l’aigre-doux ou encore chapon en brouet d’Allemagne. Le livre propose aussi 14 recettes de poissons et d’œufs, comme l’escabèche de poisson ou les barbagliate, les ancêtres des œufs brouillés.
Les légumes ne sont pas oubliés, avec 16 recettes, parmi lesquelles des asperges au jus ou un gâteau d’aubergines. Les sauces et condiments (6 recettes) offrent des accompagnements subtils, telle la sauce verte douce et forte. Viennent ensuite 16 pâtés, tourtes et tartes, dont la tourte blanche à la romaine. Pour clore le repas, 9 issues de table et 6 confitures et fruits confits transportent le lecteur vers les douceurs d’époque, avec des pruneaux au vin blanc ou les raviolis de sucre. Enfin, 6 recettes de base comme le mélange d’épices ou l’hypocras donnent les fondements indispensables de cette cuisine.
Ce répertoire, richement organisé, n’est pas seulement une liste : il permet au lecteur de visualiser un banquet complet et de comprendre comment la gastronomie de la Renaissance associait diversité, saveurs et savoir-faire.
La Gastronomie à la Renaissance se lit comme un voyage complet : de l’évocation des pratiques et des textes jusqu’au plaisir concret des recettes. Loin d’un simple livre de cuisine, il s’agit d’une fresque culturelle qui éclaire une époque où la table était à la fois héritage, innovation et théâtre social.
La richesse documentaire de l’ouvrage, associée à son élégance éditoriale, en fait un compagnon précieux pour qui s’intéresse à l’histoire du goût. Plus qu’une lecture, c’est une invitation à franchir les siècles pour retrouver, dans les pages d’un livre, les saveurs d’un monde disparu mais toujours vivant.