D’amour et d’apparat :

noces en Grèce antique

Les noces en Grèce antique ne scellaient pas seulement l’union de deux âmes. Elles étaient aussi l’occasion de mettre en scène un certain art de vivre, où les repas en disent long sur ceux qui les offrent.

Les noces de Carano le Macédonien

Dans les terres du royaume d’Alexandre le Grand, où l’on se mariait en offrant des cadeaux plutôt qu’en en recevant, le banquet était un art total. Celui de Carano, héros des annales macédoniennes, est resté dans les mémoires comme un sommet de profusion et de mise en scène.

Dès leur entrée, les invités recevaient une couronne d’or, une coupe d’argent, et prenaient place à table sous un déluge de mets raffinés. Trente services se succédaient, chacun avec une vaisselle différente, parfois sculptée. Sur de larges pains plats faisant office d’assiette, on servait tourtes, pigeons farcis, oies rôties, chevreaux, lièvres, cochons de lait, poissons entiers, focaccias dorées.

Chaque plat s’accompagnait de présents : cruches d’argent, flacons de parfum, coupes ouvragées. Des musiciens jouaient des flûtes, luths, tambourins. Danseurs ithyphalliques, jongleurs, cracheurs de feu, acrobates nues animaient la scène. Le soir venu, les statues du jardin s’illuminaient dans une mise en scène onirique.

Un moment reste célèbre : un convive demande une coupe de trois litres, y mêle un peu d’eau et de vin de Tasio, la boit d’un trait et déclare : « Plus on boit, moins on a de soucis ! » Carano lui offre la coupe. Tous s’empressent de l’imiter.

Le repas s’achevait sur les placentae, gâteaux en couches au fromage et au miel, préparés selon des recettes venues de Crète, de Samos ou de la Giulie, présentés dans des coffrets d’ivoire. Plus qu’un festin, un manifeste politique : l’hôte proclamait son rang par sa capacité à marier nourriture, art et générosité.

La table vue par la comédie grecque

Les comédies grecques dépeignent les banquets comme une scène sociale à la fois ridicule et révélatrice. Dans une pièce d’Evangélos, un maître de maison prépare un banquet de noces fastueux : viandes rôties, fromages, candauleum. Mais son cuisinier tourne tout cela en dérision. Le comique naît de l’écart entre l’ostentation du maître et la lucidité du professionnel.

Dans La Crateia, Alexis présente au contraire les « amis du sel et de la fève », pour qui quelques fèves, un peu de sel et la compagnie des proches suffisent à faire festin.

Un autre personnage raconte ses emplettes : il écarte les poissons trop nerveux, choisit un glaucus, ajoute poulpes, crevettes, calmars, maquereaux, seiches, même un morceau de queue de paon. Il anticipe avec humour : « Je parie que mon cuisinier n’osera même pas y toucher. »

Ces récits, tour à tour satiriques ou attendris, dépeignent un quotidien éloigné de la splendeur macédonienne, mais révélateur d’une culture du partage, de la justesse et de la parole vive.

Une sociabilité codifiée

Qu’il s’agisse de recevoir vingt convives couronnés d’or ou de partager une poignée de fèves entre intimes, l’art de la table révélait une hiérarchie, un idéal, un style de relation. Les banquets servaient à forger des alliances, à afficher sa générosité, ou à rappeler une appartenance politique ou culturelle.

Des objets de prestige étaient offerts aux invités — coupes, flacons, plateaux — comme autant de signes d’honneur, mais aussi de mémoires partagées. Et tandis que certains mettaient en scène l’abondance pour marquer leur statut, d’autres valorisaient la simplicité comme gage de vérité.

Ce que l’on offre, ce que l’on partage : les noces disent bien plus que des mots. Elles révèlent des visions du monde, entre grandeur affichée et chaleur familière.

Le porcelet farci à la manière des noces de Carano

Désossé par la gorge pour former une outre, le porcelet, d’environ 4 kg, est garni de :

  • boulettes de volaille, morceaux de bécassines,
  • dattes, saucisses, lardons,
  • oignons, poireaux, blette, céleri, feuilles de chou,
  • coriandre, poivre en grains, pignons,
  • escargots, huîtres, coquilles Saint-Jacques,
  • 16 œufs durs hachés,
  • polenta de farro.

Lié avec une sauce à base de liquamen (sauce de poisson fermentée, ancêtre du garum romain) et poivre, recousu, puis rôti jusqu’à obtenir une peau dorée et croustillante. Un mets d’apparat à la hauteur des plus somptueuses noces antiques.

Les noces antiques, à travers leurs contrastes, nous rappellent que recevoir, c’est parfois déjà raconter : une manière de se situer dans le monde, d’exprimer ses liens, ses valeurs, ou la place que l’on souhaite occuper aux yeux des autres..

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